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Campement du Hanul à Saint-Denis (93), avant le 6 juillet 2010 (photo Julien Beller) |
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Campement du Hanul à Saint-Denis (93), le 6 juillet 2010 (photo Julien Beller) |
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Campement du Hanul à Saint-Denis (93), avant le 6 juillet 2010 (photo Julien Beller) |
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Campement du Hanul à Saint-Denis (93), le 6 juillet 2010 (photo Julien Beller) |
La matière juridique, des sédiments de droits fondamentaux aux multiples jurisprudences européennes, s'avère une ressource précieuse pour l'action, un obstacle sérieux à la logique destructrice telle que mise en oeuvre ici à Saint-Denis (lire le récit de cette destruction dans cette tribune publiée sur Médiapart). Le droit aujourd'hui "disponible" (sans compter celui que l'interprète audacieux saura encore et encore engendrer) livre bien des armes à qui est convaincu qu'il faut enfin soutenir les installations éparses, les accompagner malgré tout sur le chemin de leur consolidation, les porter inlassablement au delà de l'état misérable dans lequel elles sont comme systématiquement fixées, les faire devenir, autant que faire se peut, des habitats, des quartiers, des morceaux de ville. Lire et relire quelques-uns des textes les plus fondamentaux permet de se faire à l'idée qu'il est inconcevable de laisser déperrir un lieu de vie. Entendre les jurisprudences les plus contemporaines, où le juge se prononce parfois de manière très bienveillante sur des affaires d'expulsion ou de destruction, permet par ailleurs de se faire à l'idée qu'il est inconcevable de ne pas soutenir quelque établissement humain que ce soit, d'en améliorer la qualité, y compris s'il ne s'agit là que d'un refuge d'un seul jour. Il va de soi que telle perspective n'est pas à l'ordre du jour, y compris du point de vue des associations de militants et d'acteurs sociaux qui, dans leur immense majorité, considèrent que construire ici et maintenant vaut acceptation de l'inacceptable. Dans l'optique qu'un beau jour on finisse par considérer qu'il est surtout inacceptable de ne pas construire immédiatement avec et pour ceux qui ont trouvé refuge ici et maintenant, voici quelques premiers arguments juridiques à faire valoir :
- « Toute personne a droit à un
niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et
ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement,
le logement, les soins médicaux (…) ». Article 25 de la
Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948.
- « La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. (…) Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ». Préambule de la Constitution de 1946, lui-même préambule de la Constitution de 1958.
- « Garantir un droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l’ensemble de la nation ». Loi du 31 mai 1990.
- « La possibilité de disposer d’un logement décent est un objectif à valeur constitutionnelle ». Décision du Conseil Constitutionnel du 19 janvier 1995.
- « N’est pas constitué le délit de violation de domicile au sens de l’article 226-4 du Code pénal, qui exige une introduction dans le domicile d’autrui, lieu servant effectivement à l’habitation et occupé, dès lors qu’il est constaté que l’appartement dans lequel s’est introduit le prévenu, en forçant la serrure, était totalement vide de toute occupation ». Décision n° 95-423 de la Cours d’Assise de Versailles, 31 janvier 1995.
- Invalidation européenne d’une procédure d’expulsion d’occupants sans titre en France au motif que ces occupants se « trouvaient en situation de précarité et fragilité, et apparaissaient mériter, à ce titre, une protection renforcée ». Décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme du 12 octobre 2010, Société Cofinco c. France.
- Opposition aux dispositions contenues dans la loi dite LOPPSI 2 (Loi d'Orientation et de Programmation pour la Performance de la Sécurité Intérieure, votée par le Parlement en décembre 2010) visant l'évacuation et la destruction en référé de campements illicites au motif que « ces dispositions permettent de procéder dans l'urgence, à toute époque de l'année, à l'évacuation, sans considération de la situation personnelle ou familiale, de personnes défavorisées et ne disposant pas d'un logement décent ». Décision 2011-625DC du Conseil Constitutionnel en date du 10 mars 2011.
Le droit s'avère donc favorable, plus qu'on ne le dit, à la prise de l'espace et à la construction en dissidence (sans compter le droit de réquisition tel que défini notamment dans l'ordonnance du 11 octobre 1945, texte déjà analysé dans un post plus ancien intitulé "Réinventons notre logement !", accessible en cliquant ici). Des savoirs et savoir-faire sont en outre disponibles tout autour de nous, auprès de concepteurs et constructeurs d'espaces qui doivent pouvoir être mobilisés, ou qui cherchent le chemin de cette mobilisation comme à travers la (bien trop) modeste activité de l'Atelier Immédiat. Ne manque que la "volonté politique" des associations, militants, acteurs de terrain en tout genre, malheureusement paralysés par l'idée saugrenue que nulle construction digne de ce nom (autrement nommée "solution de logement") ne peut s'envisager en dehors de celles que l'Etat administre et réglemente. Ce qui est un comble de soumission et d'humiliation, alors qu'à tour de bras l'Etat ordonne plus que de raison destructions et autres démantèlements, en se référant au droit qu'il peut, souvent des plus invraisemblables. Par exemple, pour débarrasser les tentes qui s'infiltrent dans le tissu urbain, nous savons depuis une décision de novembre 2008 que la puissance publique invoque l'article R644 du Code pénal qui dispose : "Le fait d'embarrasser la voie publique en y déposant ou y laissant sans nécessité des matériaux ou objets quelconques qui entravent ou diminuent la liberté ou la sûreté de passage est puni de l'amende prévue pour les contraventions de 4e classe. Les personnes coupables de la contravention prévue au présent article encourent également la peine complémentaire de confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit". Instituant donc l'équivalence de statut comme de valeur entre une tente et un déchet.
- « La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. (…) Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ». Préambule de la Constitution de 1946, lui-même préambule de la Constitution de 1958.
- « Garantir un droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l’ensemble de la nation ». Loi du 31 mai 1990.
- « La possibilité de disposer d’un logement décent est un objectif à valeur constitutionnelle ». Décision du Conseil Constitutionnel du 19 janvier 1995.
- « N’est pas constitué le délit de violation de domicile au sens de l’article 226-4 du Code pénal, qui exige une introduction dans le domicile d’autrui, lieu servant effectivement à l’habitation et occupé, dès lors qu’il est constaté que l’appartement dans lequel s’est introduit le prévenu, en forçant la serrure, était totalement vide de toute occupation ». Décision n° 95-423 de la Cours d’Assise de Versailles, 31 janvier 1995.
- Invalidation européenne d’une procédure d’expulsion d’occupants sans titre en France au motif que ces occupants se « trouvaient en situation de précarité et fragilité, et apparaissaient mériter, à ce titre, une protection renforcée ». Décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme du 12 octobre 2010, Société Cofinco c. France.
- Opposition aux dispositions contenues dans la loi dite LOPPSI 2 (Loi d'Orientation et de Programmation pour la Performance de la Sécurité Intérieure, votée par le Parlement en décembre 2010) visant l'évacuation et la destruction en référé de campements illicites au motif que « ces dispositions permettent de procéder dans l'urgence, à toute époque de l'année, à l'évacuation, sans considération de la situation personnelle ou familiale, de personnes défavorisées et ne disposant pas d'un logement décent ». Décision 2011-625DC du Conseil Constitutionnel en date du 10 mars 2011.
Le droit s'avère donc favorable, plus qu'on ne le dit, à la prise de l'espace et à la construction en dissidence (sans compter le droit de réquisition tel que défini notamment dans l'ordonnance du 11 octobre 1945, texte déjà analysé dans un post plus ancien intitulé "Réinventons notre logement !", accessible en cliquant ici). Des savoirs et savoir-faire sont en outre disponibles tout autour de nous, auprès de concepteurs et constructeurs d'espaces qui doivent pouvoir être mobilisés, ou qui cherchent le chemin de cette mobilisation comme à travers la (bien trop) modeste activité de l'Atelier Immédiat. Ne manque que la "volonté politique" des associations, militants, acteurs de terrain en tout genre, malheureusement paralysés par l'idée saugrenue que nulle construction digne de ce nom (autrement nommée "solution de logement") ne peut s'envisager en dehors de celles que l'Etat administre et réglemente. Ce qui est un comble de soumission et d'humiliation, alors qu'à tour de bras l'Etat ordonne plus que de raison destructions et autres démantèlements, en se référant au droit qu'il peut, souvent des plus invraisemblables. Par exemple, pour débarrasser les tentes qui s'infiltrent dans le tissu urbain, nous savons depuis une décision de novembre 2008 que la puissance publique invoque l'article R644 du Code pénal qui dispose : "Le fait d'embarrasser la voie publique en y déposant ou y laissant sans nécessité des matériaux ou objets quelconques qui entravent ou diminuent la liberté ou la sûreté de passage est puni de l'amende prévue pour les contraventions de 4e classe. Les personnes coupables de la contravention prévue au présent article encourent également la peine complémentaire de confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit". Instituant donc l'équivalence de statut comme de valeur entre une tente et un déchet.
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